Détachement







M'extrapoler
M'éluder
M'agripper au fanal de queue du dernier train pour Genève
Me pendre ferme aux épis de blé
M'écarteler dans mes contradictions
M'abréger
Me répandre
Sortir de moi, par n'importe quelle baie
Sortir
Ne plus endosser les avant, les après
Ne pas verdir de disgrâce
Sous les brises nauséabondes des cyanobactéries
Passer l'arme à gauche si quelqu'un la demande
Rester nu-pied
Ne plus frémir de ne pouvoir gémir
Et pourtant
M'extraire, m'extraire, m'extraire
Agiter un peu la main
Pour que quelqu'un voit que j'ai des doigts
Qu'il le sache
Que je n'ai pas chaque soir à les compter
Pour être sûre que j'existe
Être entrevue, seulement, c'est bien
Déballée, avec ou sans gant mais vite
M'éjecter
M'envoler au-dessus des places
Où des milliers d'amis avaient coutume de penser
Un jour pouvoir être satisfaits d'être ensemble
M'escalader jusqu'au sommet où là, c'est sûr
Quelqu'un m'attendra, et depuis longtemps
Sera, en me voyant, terriblement déçu
Par ses rêves perdus d'heureuse ripaille
Moi si, si désolée pour la méprise 
Brûler nos sourires sur les braises de la frustration
L'odeur de graisse reste longtemps dans l'air
M'éjecter
Hors de portée de mes atavismes
Assez proche de rien
À ne plus chercher si c'est moi qui me tais
Ou si ce sont ceux que je regarde, en bas
Qui n'entendent pas
Ne plus répondre
Éparpillée comme mes organes
Dans l'apesanteur d'une détonation imprévue








Mai 2015