Usure











Nous avons marché côte à côte
Aucun de nos pas n'a pu laisser de trace
Les paumes de nos mains n'ont pas eu le temps d'absorber notre sueur
Se serrer était la fin d'une idée
Nous n'avons pas pressé nos ventres jusqu'à les oublier
Nous ne nous sommes pas assez usés
Nous sommes chacun au bout de mondes qui s'ignorent
Faisant tourner nos vies dans des lagunes closes
 
Nous n'avons pas eu à apprécier la pesanteur de l'accoutumance
Ni la facilité mi-dormante de l'habitude
Ni l'oubli
Nous ne nous sommes pas assez usés
Chacune de nos rencontres a jailli du néant
Seul espace partagé, où assis, nous nous attendions des années entières
Tout avait l'éclat inavoué d'une illumination
Même la colère

Le corps enkysté de notre histoire n'a connu que l'envol
Où le faire se poser ?
Nous n'avons pas eu la régularité des jours pour offrir à cette frénésie
Les armes de sa propre mort
Pour toujours à l'ébauche
Sans avoir vraiment gravité autour du solide tracé des rituels
Sans leur main étouffante sur nos bouches, nous le sommes

La plainte que cet amour infirme émet est lancinante
Presque inaudible comme celle d'un corps ensablé
Il gémit de vouloir s'étioler
Plaide pour une disparition équitable
Il aspire à l'effacement dans les coulures de l'érosion
Il gémit pour qu'on l'achève
Mais qu'anéantir quand il n'eut jamais d'espace libre assez
Pour seulement s'oser ?





Juillet 2014